FairFin est une de SDG Voices 2019
Les SDG Voices braquent les projecteurs sur les objectifs de développement durable. En 2019, six nouvelles organisations porteront ce titre. FairFin est l’une d’elles. Nous avons rencontré la coordinatrice Marjon Meyer, afin d’en savoir plus sur leurs projets en tant que SDG Voice.
IFDD : FairFin plaide pour un système financier équitable. Les flux financiers et les investissements ont en effet un impact considérable sur notre société. Comment pouvons-nous injecter de l’argent en faveur d’une société plus durable ?
Marjon Meyer : « Les fonds peuvent être injectés pour stimuler les projets ou les entreprises qui représentent une valeur ajoutée pour la société, par exemple parce qu’elles contribuent à la réalisation des SDG. Les investisseurs tels les banques, les fonds mais aussi les organisations et les individus feraient mieux de ne pas fonder leurs choix d’investissement uniquement sur des critères financiers (« comment récupérer mon argent, de préférence avec un rendement intéressant ? ») mais également sur des critères de durabilité . Quelle entreprise fait des opérations financières dans le respect de l’être humain et de l’environnement et laquelle ne le fait pas ? Quelle technologie mérite d’être stimulée pour réaliser la transition énergétique ? Quel projet aidera mon quartier à devenir plus autosuffisant ? Si vous investissez dans quelque chose en quoi vous croyez, vous générez des rendements au niveau sociétal. »
« Les investissements d'aujourd'hui déterminent le monde de demain. C'est pourquoi il importe avant tout de définir en tant que société à quoi ce monde doit ressembler, pour ensuite ajuster notre système financier et nos investissements en conséquence. »
IFDD : Quels sont les principales lacunes et les défis majeurs de notre système financier actuel ?
Marjon Meyer : « Les investissements d'aujourd'hui déterminent le monde de demain. C'est pourquoi il importe avant tout de définir en tant que société à quoi ce monde doit ressembler, pour ensuite ajuster notre système financier et nos investissements en conséquence. Aujourd'hui, c'est souvent l'inverse qui se produit : il faut de l'argent et donc il faut des banques, et si elles sont en danger - comme lors de la crise de 2008 – c’est la société qui doit veiller à les préserver. FairFin plaide donc d'ores et déjà pour des banques de taille plus raisonnable, à mille lieues des banques too big to fail.
Mais à un niveau plus général, les objectifs sociétaux devraient prévaloir sur les objectifs financiers. Le problème du dérèglement climatique en est un bon exemple : non seulement il y a une prise de conscience croissante du problème et un accord politique pour le résoudre, mais il existe également des scénarios techniquement réalisables pour les énergies renouvelables d'ici 2050. Le problème réside dans l'investissement. Les investisseurs privés n'entrent en action que lorsque les bénéfices escomptés sont suffisamment importants. Dans le cas de l'énergie verte, il s'agit souvent de projets complexes avec un horizon d'investissement lointain, compliquant ainsi l'évaluation du rendement et des risques pour les investisseurs ; ce qui finalement les dissuade d'investir. Alors que la réalité réclame à cor et à cri une réduction des investissements dans les combustibles fossiles et une injection dans le financement d'une transition socialement juste vers une société pauvre en carbone.
Les exemples négatifs ne manquent donc pas dans toutes sortes de secteurs, où les institutions financières utilisent actuellement notre argent pour investir dans des industries où les droits de l'homme sont gravement violés, où des armes sont produites, où les forêts sont détruites en masse, etc., près de chez nous mais peut-être plus souvent encore dans le Sud. Alors que notre argent pourrait être utilisé positivement. Combler cet écart, intégrer la dimension sociétale dans le système financier, tel est pour nous l'un des plus grands défis. »
IFDD : En tant qu’organisation ou citoyen, dans quels domaines pourrions-nous intervenir avec une plus grande prise de conscience ?
Marjon Meyer : « Les investisseurs privés tels les grandes banques ou les compagnies d’assurances opèrent avec notre argent. Cela nous donne le droit de demander dans quels domaines il est investi et la possibilité de protester si cet investissement n’est pas conforme à nos valeurs. Le projet du médecin généraliste Anneleen De Bonte en est un bon exemple. Comme d’autres indépendants, elle est tenue par la loi de cotiser mensuellement à un fonds de pension. Son fonds de pension ne pouvait cependant lui préciser dans quels domaines son argent était investi. Après quelques recherches, il s’est avéré que ses moyens étaient engagés dans toutes sortes de pratiques – centrales au charbon, exploitation minière, déforestation – qui ne contribuaient pas directement au bien-être humain, l’une des valeurs qu’elle portait au quotidien en tant que médecin. Pire encore, elle apprît qu’il n’existait pas d’autre option : aucun fonds pour prestataires indépendants ne poursuivait une politique prônant de manière responsable la recherche d’un environnement sain et du bien-être. Après avoir tiré la sonnette d’alarme, elle a conscientisé ses collègues et lancé un dialogue dans le secteur financier et a, ce faisant, provoqué le changement. Cet exemple démontre qu’en tant que citoyen, cela vaut la peine de garder un œil critique sur les instances qui gèrent votre argent et de leur demander des ajustements.
Grâce à des outils tels que le Scan des banques (www.bankwijzer.be/fr), FairFin offre aux citoyens la possibilité de s'adresser directement à leur banque si elle investit dans des domaines avec lesquels ils sont en désaccord. Mais, en tant qu'organisation ou citoyen, vous pouvez également endosser vous-même le rôle d’investisseur. Vous n'avez pas besoin de passer par une banque ou une autre institution financière pour placer de l'argent dans un projet auquel vous croyez. En Belgique, il existe des dizaines de coopératives qui œuvrent pour une société durable grâce aux énergies renouvelables, à l'agriculture biologique ou à la mobilité partagée et dans lesquelles les citoyens peuvent investir directement. Vous trouverez un aperçu de ces coopératives sur www.fairfinlabel.be. Le gouvernement favorise également certains investissements de proximité, comme le prêt win-win, qui vous permet d'investir dans une entreprise de votre choix avec un avantage fiscal à la clé (voir www.pmv.eu). Et la plateforme sociale de crowdfunding Socrowd accorde des prêts sans intérêt pour des projets à valeur ajoutée sociétale auxquels vous pouvez participer (www.socrowd.be). Ces initiatives montrent à petite échelle ce que nous aimerions voir transposer à plus grande échelle : entreprendre à des fins sociétales, en coopération avec des investisseurs engagés. »
« Auréolés de notre titre de SDG Voice, nous collaborons avec des partenaires en vue de proposer une offre de produits du troisième pilier (l’épargne-pension) afin que chacun puisse épargner plus durablement pour sa pension. »
IFDD : Quels sont vos projets en tant que SDG Voice ?
Marjon Meyer : « En tant que SDG Voice, nous voulons aller plus loin que le projet pilote sur les pensions d’Anneleen Bonte. L’argent destiné à la pension représente par définition une manne financière fantastique pour aider à réaliser les SDG : ces fonds sont « immobilisés » pour une longue période, n’exigent pas de rendement à court terme et peuvent donc servir à un avenir durable.
Auréolés de notre titre de SDG Voice, nous collaborons avec des partenaires en vue de proposer une offre de produits du troisième pilier (l’épargne-pension) afin que chacun puisse épargner plus durablement pour sa pension. En outre, nous voulons mettre le thème sur la table et nous osons poser des questions fondamentales : « de quoi aurons-nous besoin en réalité lorsque nous prendrons notre pension ? » et « les produits financiers, exposés aux caprices financiers, sont-ils la meilleure réponse à cette question ? »
La pension durable et les objectifs de développement durable sont avant tout une question de valeurs et de priorités. L’égalité des chances pour une vie digne, un environnement sûr, une alimentation saine et des soins de qualité : des objectifs qu’un système financier juste peut permettre d’atteindre. Ainsi, en ce qui concerne les moyens destinés à la pension, l’enjeu n’est pas seulement d'exclure les points négatifs, mais bien de s'engager dans des investissements positifs, comme l'énergie verte, les villes à échelle humaine, des soins dignes et une alimentation saine pour tous. »
*Le projet « SDG Voices » est une initiative de l’Institut fédéral pour le Développement durable (IFDD). En 2016, la ministre de l’Énergie, de l’Environnement et du Développement durable a donné le feu vert officiel à la campagne SDG Voices Belgium. À l’image de ce qui se fait à l’étranger, chaque année, un certain nombre d’organisations sont élues porte-paroles des SDG. En 2019, six nouvelles organisations – Via Don Bosco, Ubuntu Festival, Janssen Pharmaceutica (J&J), Hidrodoe, Fairfin et Rikolto – portent fièrement ce titre. Nous vous présentons chaque jour une de ces nouvelles SDG Voices. Tenez bien à l’œil notre site Internet et nos médias sociaux !*