Natagora, SDG Voice 2018 : "La protection de l'environnement ne concerne pas que les amoureux passionnés de nature."
Les « SDG Voices » mettent en lumière les objectifs de développement durable, déterminés par les Nations Unies en 2015 : les Sustainable Development Goals (SDGs). En 2018, six nouvelles organisations porteront ce titre. Natagora, l’association wallonne de protection de la nature, figure parmi elles. Pourquoi cette asbl souhaite-t-elle incarner une SDG Voice ? Comment compte-t-elle mettre les SDGS en lumière et œuvrer pour eux ? Gilles Cogneau, directeur de la communication, nous l’explique. Rencontre.
IFDD : Pourquoi avoir eu envie d’incarner une SDG Voice ?
Gilles Cogneau : « Beaucoup de gens ont encore du mal à comprendre pourquoi nous défendons la nature. Pourquoi nous travaillons à protéger une espèce d’oiseau, de batracien ou d’orchidée. Certains trouvent ça futile, comme si c’était un luxe. Mais en nous intéressant à une espèce particulière, c’est en fait sur son milieu que nous agissons, sur les autres espèces, sur les paysages liés, et sur les personnes qui y vivent et qui y travaillent. L’homme est une pièce centrale des écosystèmes que nous protégeons. En mettant en place des mesures pour une espèce particulière, nous avons donc un impact sur la vie humaine. Si on a voulu incarner cette voix, c’est pour pouvoir insister un peu plus fort sur ce message. Les SDGs vont être un porte-voix pour souligner l’importance de protéger la nature, pour dire que ce n’est pas un hobby de passionné ou d’ornithologue pointu. »
Les SDGs vont être un porte-voix pour souligner l’importance de protéger la nature, pour dire que ce n’est pas un hobby de passionné ou d’ornithologue pointu.
IFDD : Comment les défenseurs de la nature peuvent-ils concrètement s’engager pour les SDGs ?
Gilles Cogneau : « Tout est lié. Prenons les choix que nous faisons pour nous nourrir. Il faut prendre conscience que l’agriculture intensive, non raisonnée, est la principale cause de perte de biodiversité dans le monde. Elle appauvrit les milieux, tue les sols et a un impact non négligeable sur la santé humaine. En revenant à des fermes à taille humaine, à une agriculture familiale, aux bonnes pratiques agrobiologiques et aux circuits courts, on défend clairement la nature. Mais on retrouve également une assiette de qualité, on recrée du tissu social, on offre un travail décent à nos agriculteurs… Tous nos choix de consommation ont cet impact croisé sur l’homme et la nature. L’implication dans la gestion et la création de réserves naturelles a le même impact. Elles jouent un rôle clé dans la lutte contre le réchauffement climatique et servent de refuge pour les espèces menacées. Mais elles atténuent également les effets des inondations, offrent du travail à de nombreux agriculteurs et gestionnaires et préservent les paysages. Natagora ambitionne d’augmenter les surfaces qu’elle protège de 100 hectares par an. »
IFDD : Avez-vous un autre impact qu’environnemental sur la société ?
Gilles Cogneau : « Bien sûr. Natagora a un impact sur l’industrie du tourisme ou l’agriculture paysanne, par exemple. Mais on a aussi énormément de projets et de programmes éducatifs. Prenons le jeu vidéo ludo-éducatif que nous avons créé à destination des élèves d’humanité : Nowatera. Il permet aux profs d’enseigner une matière pour laquelle ils ne disposaient pas de support. Nous avons également un rôle d’intégration via nos nombreuses structures de volontaires et nos programmes d’éducation permanente. On le sait, la planète survivra sans l’homme mais pas l’homme sans la planète, qui est sa seule maison habitable. »
IFDD : Quel est le SDG, si vous pouvez n’en choisir qu’un, qui est le plus significatif pour Natagora ?
Gilles Cogneau : « Natagora est directement impliqué dans une dizaine au moins des objectifs de développement durable. Mais la préservation des écosystèmes terrestres est clairement au cœur de notre action (SDG15). Parce que nous gérons 5 000 ha de réserves naturelles, parce que nos scientifiques suivent de près l’évolution des espèces menacées, parce que nos volontaires organisent près de 1 000 activités par an pour sensibiliser les écoliers, les familles, les entreprises à la préservation de la biodiversité. Oui clairement, c'est l'objectif qui nous parle le plus. »
IFDD : Quels sont les conseils que vous pourriez donner pour que chacun puisse agir en faveur de la protection des écosystèmes ?
Gilles Cogneau : « Nos choix individuels ont une signification forte. Ils sont un message fort pour notre entourage et nos politiques. Alors quand vous mangez, quand vous voyagez, quand vous jardinez, faites les bons choix pour l'environnement. Vos choix ont du poids. Et militez aussi ! Parlez à vos voisins, à vos élus, rejoignez un comité de quartier, une association. Faites-vous entendre. Vous verrez, vous n'êtes pas tout seul à avoir envie que ça change. Enfin, vous pouvez aussi vous engager auprès de Natagora, en participant à ses actions, à l’achat et/ou à l’entretien des réserves naturelles. »
IFDD : Comment comptez-vous sensibiliser votre public aux SDGs ? Comment allez-vous mettre votre influence à profit pour sensibiliser les citoyens à œuvrer pour la réalisation des SDGs ?
Gilles Cogneau : « Avec mon collègue Benjamin Legrain, rédacteur en chef et chargé de communication, nous désirons réaliser des portraits vidéo, rencontrer des gens qui protègent la nature mais, qui, par leurs actions, ont un impact social, culturel… On veut montrer qu’il y a un lien, une transversalité entre les SDGs. Ces portraits seront ceux des gens de Natagora mais pas seulement : nous allons rencontrer des agriculteurs, des scientifiques, des militants, des artisans… Nous interviewerons par exemple des designers qui façonnent des produits avec la laine des moutons qui entretiennent nos réserves. De cette manière, on crée un circuit court en allant du mouton au designer. C’est remarquable parce que la laine est aujourd’hui considérée en Belgique comme un déchet. Elle va à la poubelle ou elle part en Chine. On va réaliser ces portraits puis on va les médiatiser dans notre magazine, dans notre communauté Facebook qui est très active, auprès de nos 20.000 membres… On peut compter sur environ 60.000 sympathisants, ce qui n’est pas mal en Wallonie et à Bruxelles. Nos médias ont donc un impact fort. »
On veut montrer qu’il y a un lien, une transversalité entre les SDGs.
Le projet « SDG Voices » est une initiative de l’Institut fédéral pour le Développement durable (IFDD). En 2016, la ministre de l’Energie, de l’Environnement et du Développement durable, Marie-Christine Marghem, a donné le feu vert officiel à la campagne SDG Voices Belgium. En 2017, huit organisations ont été déclarées porte-paroles des SDGs : GoodPlanet, Bond Beter Leefmilieu, la ville de Gand, Duo for a Job, Colruyt Group, le Mouvement Action paysanne, le Centre national de Coopération au Développement (CNCD) et son équivalent néerlandophone 11.11.11. Cette année, six nouvelles organisations peuvent fièrement se targuer de ce titre. Nous vous proposons dès aujourd’hui de les découvrir, une par une. Assurez-vous de garder un œil sur notre site web et nos médias sociaux.